Vous rentrez du travail et votre ado est assis(e) sur le canapé.
Vous lui dites d’un ton amical :
« Bonjour, comment s’est passée ta journée aujourd’hui ?«
Et il vous répond
« Oh !! Vous pouvez pas me laisser tranquille à la fin ! Vous êtes tout le temps sur mon dos !«
10 minutes plus tard, votre conjoint arrive du travail, aperçoit son ado et ne lui dit rien.
L’ado s’écrit alors de manière ironique:
« On dit pas bonjour ici !!! Ah, j’existe pas dans cette maison !!«
Dans son ouvrage « Paradoxe et dépendances à l’adolescence », Philippe Jeammet introduit le paradoxe de l’attachement à l’adolescence qui est illustré par l’exemple ci-dessus.
Dans la première séquence, en s’intéressant à l’ado, en s’approchant de lui, l’ado vit de l’envahissement et se recule.
Dans le second cas, le parent ne s’intéresse pas à lui, l’ado se sent abandonné et réagit en provoquant le parent.
Quel ado ou parent n’a pas vécu de situation similaire ?
Cette situation paradoxale s’intensifie au début de l’adolescence (voir article « Adolescence : La mue du Homard« ) et peut être schématisée de la façon suivante :
L’adolescent, pour se développer, a besoin à la fois d’autonomie et de lien. Mais lorsque qu’il satisfait son besoin, il peut vivre le trop proche ou le trop loin. Dans ce cas, il contacte une angoisse qui le fait réagir.
Plus il satisfait son besoin d’autonomie, plus il s’éloigne et plus l’angoisse d’abandon peut apparaître.
Plus il satisfait son besoin de lien, plus il est proche, plus l’angoisse d’envahissement peut apparaître.
Mais cette angoisse n’a pas la même intensité pour chaque ado. Le pilote intérieur qui fait aller d’un coté à l’autre du curseur avec plus ou moins de violence, c’est ce que P.Jeammet appelle les assises narcissiques ou la sécurité intérieure.
Cette sécurité intérieure, c’est la sécurité affective de l’ado, son estime de lui, sa sensibilité au regard des autres, sa confiance en lui et en les autres qui pilote le comportement de l’ado et sa distance relationnelle avec les autres.
Plus il a de l’insécurité interne (baisse d’estime de soi, de confiance en soi), plus il devient dépendant de son environnement pour lui apporter de la sécurité, mais cela va à l’encontre de son autonomie et l’angoisse d’envahissement provoque le rejet.
Les changement émotionnels, physiques et cognitifs de l’ado bouleversent la sécurité intérieure construite par le bébé (6-24mois) avec son environnement (voir ce site pour approfondir sur l’attachement du bébé). C’est la façon dont le bébé a été sécurisé ou pas à s’approcher et à s’éloigner des figures d’attachement (maman, papa, …) qui va construire cette sécurité intérieure.
Pour plus de détails, voir ici théorie de l’attachement .
Il faut une nécessaire confiance de l’ado en ses proches (parents, amis, personnes ressources, thérapeute) et en miroir en lui-même pour affronter ses doutes intérieurs.
Il n’est pas possible de contrôler le plaisir partagé avec l’autre car il a une fin et il dépend des autres. Par contre, je peux contrôler le déplaisir et l’insatisfaction si je suis acteur. En contrôlant la souffrance (rejet, plainte, bouderie, fugue, violence, vol, échec scolaire, scarification, …), l’ado va contrôler l’attention des autres.
Il peut choisir entre la créativité (co-construction avec l’autre) ou la destructivité.
« C’est en se nourrissant de ce dont il a besoin (du lien), que l’ado deviendra plus indépendant et qu’il pourra se positionner face aux adultes, à la fois réceptif et différent de ces adultes. ….. Mais c’est après qu’il le sait. » (P.Jeammet).
Le film « Tète haute » de Emmanuelle Bercot est une belle illustration de ce paradoxe de l’attachement à l’adolescence.
Pour plus d’information sur l’attachement, vous pouvez aussi regarder une de ces deux présentations :
- Boris Cyrulnik : la biologie de l’attachement.
- Nicole Guédeney sur l’attachement.
A suivre : Parents vous êtes importants
A lire aussi : Adolescence : la mue du homard